Vous trouverez sur ce site la plupart des projets qui remplissent ma vie depuis que je « réalise », autrement dit, depuis que je donne une réalité à mes idées.

Mon « grand » livre

Couverture provisoire du Tout de mon temps

Le tout de mon temps

Dans ce livre (qui n’est pas encore édité), je raconte tous mes projets. 200 environ. De tailles variées. Je les raconte et parle de ma vie en même temps.

Le tout de mon temps, comme beaucoup de mes créations, a une forme qui n’appartient pas à une seule catégorie : il n’est pas une autobiographie, pas un catalogue, mais les deux en même temps.

En voici 3 passages : "Rébus et autres", "Ma poule" et "En finir avec Daho". Vous comprendrez, en lisant ces extraits, que je ne pouvais pas tout mettre sur ce site.

1er extrait : Rébus et autres

[…]
Je suis restée 9 ans rue des Mûriers, dans le 20ème, où j’ai conçu mes trois premiers modèles de cartes de visite. Sur deux d’entre elles, imprimées sur du papier couleur camel, on voit une « éleveuse d’idée depuis 1995 » dessinée d’un trait simple, posant ses mains sur les têtes de deux idées. Il y a 7 idées autour d’elle, une aussi haute qu’elle, les autres plus petites, de formes molles ou manufacturées en cylindre ou parallélépipède. La légende « idée » indique qu’elles en sont. J’ai été très surprise de voir les cousines de mes idées dans un film publicitaire pour la SNCF : « Donner aux trains des idées d’avance ». On y voit des idées de couleur rose, de formes variées et molles. Elles ont des sortes d’antennes et des yeux que mes idées n’ont pas, mais elles sont aussi élevées : pesées, mesurées, nourries et soignées jusqu’à devenir grandes et autonomes.

Au dos de la seconde carte (dont le recto est le même avec nom et coordonnées), il y a deux phrases à compléter par celui ou celle qui a reçu ma carte. On lit :

« Nous nous sommes rencontré(e)s à _ _ _ _ _ _ , le _ _ _ _ _ _ _ . Nous avons parlé de _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ . Nous devons nous revoir pour _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _  et je sais déjà que je vous contacterai dès demain / comme convenu / jamais. »

 

Sur la carte où je suis « inventrice », imprimée en lettres noires sur fond blanc, apparaissent  un (1) au dessus de « Cécile », un (2) au dessus de « Briand » et un (3) au dessus de « tél : 01 43 49 79 63 ». Au dos, ceci :

« Comment se souvenir de l’essentiel :
(1) Penser à Nougaro et à sa fille.
(2) Se rappeler de cette histoire : il fait très froid dehors, l’âne fainéant  brait « hi…han ! »
(3) Plus difficile : retenir cette liste de courses :
carottes : trois !
carottes… ten œufs…
soit ! sens lys neufs…
soit ! sens tout ! ah… »

2ème extrait : Ma poule

[…]
La plus grande sortie de ma poule reste celle qu’elle a faite sur les présentoirs de la librairie de Beaubourg, au moment de l’exposition consacrée à Magritte.

L’exposition du peintre s’est tenue au Centre Pompidou du 21 septembre 2016 au 23 janvier 2017. J’avais donc l’occasion de faire se rencontrer ma poule et les œuvres de Magritte, dont elle se sent proche. La rencontre eu lieu en toute discrétion sur les présentoirs de cartes postales, à la sortie de l’exposition.

Je ne sais pas trop pourquoi je me suis embêtée à demander l’autorisation à la responsable de la librairie Flammarion-Beaubourg (qui s’en fichait pas mal de ma poule et de mon souhait de la vendre à un vrai prix pour mieux tromper le visiteur) ; de même qu’au commissaire de l’exposition (qui s’en fichait certainement moins mais qui ne pouvait pas imposer quoi que soit à la librairie et qui me fit expliquer que les droits dérivés des œuvres de Magritte étaient extrêmement compliqués à gérer. J’ai apprécié qu’on me réponde vite et bien.) Ce doit être l’habitude qui m’a fait faire ces démarches en trop et toujours un peu cet espoir de trouver des gens qui disent oui, c’est amusant, allez-y, vous nous raconterez.

J’ai donc posé ma carte à côté des cartes officielles, sans autorisation. J’ai tenu le journal des trois moments que j’ai consacrés à observer ce qui se passait.

Lundi 14 novembre 2016

J’entre dans l’exposition et m’attarde sur le tableau intitulé « Variante de la tristesse » (1957) que je ne connaissais pas. C’est une poule qui regarde un œuf dans un coquetier. Posé derrière elle, il y a un autre œuf : le sien ? Comme ma poule est proche de celle de Magritte ! Je traverse rapidement l’exposition avant de rejoindre la sortie et la librairie, également au 6ème étage.

À 15h32, je pose 4 cartes postales en tas sur les étagères à côté des autres. Seules 6 œuvres de Magritte sont représentées. Les cartes sont placées sur des petites « gouttières » contre le mur. Je me mets un peu en retrait, un livre dans les mains et mon profil caché des caisses par un support de cartes postales (vertical et tournant celui-là). Au moins 5 personnes regardent la carte, sans la voir. Une dame en prend une, la retourne (voit qu’il n’y a rien d’inscrit au dos) et la repose. Les gens ne sont pas très curieux. Ou ne voient pas vraiment. Ou voient ce qu’ils veulent voir et cherchent ce qu’ils ont déjà vu dans l’exposition.

Quoi qu’il en soit, à 15h41, un monsieur prend ma carte pour la rajouter aux deux autres qu’il a déjà prises et se dirige vers les caisses. Il a également choisi un livre. Il y a beaucoup de monde. Il doit attendre. Moi aussi. Je change de place pour le suivre après avoir retiré du marché mes 3 autres exemplaires. Je le vois à travers les vitrines d’objets luxueux de Magritte. Il approche. Il approche. C’est sur la jeune fille qu’il tombe à la caisse. Je me rapproche.

- Euh… (elle retourne la carte sans code barre) ce n’est pas à nous… c’est à vous ?
- Non, je l’ai prise ici.
- Mais ce n’est pas à nous…
- Elle était là-bas…
- Ce n’est pas possible… où ?
- Là ! Sur le présentoir.

(Il y a plein de monde, la jeune fille n’a pas le temps d’aller voir.) Bon, et bien, euh…vous avez gagné une carte…

Et le monsieur s’en va avec MA poule. Prise au bout de 9 minutes !

Je retourne à mon poste après avoir posé à une meilleure place les 3 poules restantes.
D’autres personnes passent devant, les balaient du regard.
Je feuillette, feuillette, pour me donner une contenance.

Il est 16h18. Je me dis que je ne resterai pas plus d’une heure car je commence à m’ennuyer. C’est à ce moment-là qu’un homme, employé à la librairie, vient réassortir les lots de cartes postales. Il en rajoute de nouveaux modèles et range un peu. Il ne voit pas tout de suite ma poule. C’est fini… Il rejoint ses collègues derrière la caisse. Il parle de sa trouvaille à un collègue plus âgé : ils rient. Je suis trop loin pour les entendre. L’affaire ne semble pas très mystérieuse pour eux, ils ne semblent pas du tout surpris. Je les trouve plutôt moqueurs. Il trouve sûrement que la personne qui se croit artiste et se place elle-même à côté de Magritte est forcément à plaindre. Mais elle est belle ma poule ! Le jeune homme montre la poule à la jeune fille et elle lui raconte qu’elle l’a eu en caisse. Il dit : « Tu les donneras à … (je n’entends pas)… non, je rigole » et les jette à la poubelle. La jeune fille proteste : Non ! Ne les jette pas. Le jeune homme les récupère et les pose à côté d’elle.

Je ne sais pas ce qu’elles vont devenir. Si, par exemple, la jeune fille en parlera à sa responsable (qui ne voulait pas m’en acheter et qui a mes coordonnées). Je pars. Il est 16h24. Je n’ai plus de cartes de toute façon.

3ème extrait : En finir avec Daho

C’est ainsi que se nomme le projet qui m’a fait envoyer 18 lettres à Etienne Daho, de mai 2000 à novembre 2016. Ces courriers portaient l’adresse de son domicile dans le 18ème (celle qu’une amie d’amie m’avait donnée), de sa maison de disque, d’une salle de concert où il passait et pour les dernières, également de sa société. Le titre « En finir avec Daho » est toujours apparu dans mes lettres, mais j’ai tout fait pour le rassurer.

J’ai assez vite reçu une réponse de son agent, chez EMI. Il me téléphona un matin pour me dire que ça n’allait pas être possible. Cette réponse arriva trop vite, elle ne m’a pas suffi : j’attendais une trace écrite pour matérialiser ce projet et je voulais encore espérer qu’une acceptation soit possible.

« En finir avec Daho » doit réaliser un vœu que j’ai prononcé dans une cour de collège devant deux amies : « Je serai photographe et je prendrai une photo d’Etienne Daho qu’il dédicacera pour toi, Lynda. » Lynda est restée ma grande amie et elle aime toujours ses chansons. De mon côté, la photographie était bien devenue un moyen de création et je poursuivais le but d’aller au bout de mes idées. J’ai donc demandé à Etienne Daho si je pouvais prendre une photographie de lui, qu’il dédicacerait par la suite. Je voulais faire ce cadeau à Lynda et m’offrir ce projet.

J’ai envoyé des lettres manuscrites et dactylographiées. Parfois les mêmes, mais je changeais aussi. J’ai proposé à Mr Daho de faire son Portrait d’identité. Je l’ai invité à voir sur internet quelques vidéos réalisées par Benoît et moi. J’ai pré-rempli son refus sur un bon à signer et à renvoyer. Je lui ai parlé de mes livres. Mes lettres étaient un peu trop sérieuses. Il m’a manqué d’être sûre qu’il les lise. (Je n’inscrivais jamais mes coordonnées au dos, de peur qu’il me reconnaisse et n’ouvre pas la lettre.)

Pour avoir souvent écrit dans le but d’obtenir de l’aide auprès d’éditeurs, de fabricants ou d’autres professionnels, demander quelque chose à une personne célèbre me manquait. J’étais prête à user de ma première qualité de fille têtue pour un jour obtenir cette réponse. (Je crois que c’est la charmante lettre d’une maison d’édition, suite à l’envoi de mon manuscrit « Un drôle de fantôme » écrit quand j’avais 15 ans, qui m’a encouragée à poursuivre ces demandes écrites.)

La nuit du 5 décembre 2016, un mois après l’envoi de ma dernière lettre, j’ai rêvé d’Etienne Daho.

Le rêve dans lequel j’étais ne me plaisait pas et j’ai du l’interpeller pour faire diversion. Il passait près de moi dans la rue. Je lui ai parlé de mon projet avec lui et tout de suite, il m’a dit « Voyez ça avec ma femme. ». Sa femme était là en effet, avec leur 2 ou 3 enfants (assez grands, adolescents). Elle avait l’air dépassée et n’arrivait pas à se concentrer sur ce que je disais. Alors, la mère de Daho est intervenue, la grand-mère des enfants, beaucoup plus vive d’esprit que sa femme. J’ai tout de suite su que je n’allais pas faire affaire avec elle, qu’elle était trop dure.

À la suite de ce rêve et toujours sans nouvelle, j’ai choisi d’en finir avec Daho. 16 ans après avoir envoyé la première lettre, je n’éprouvais plus assez de plaisir dans l’attente. 16 ans, ce devait être l’âge du plus grand de ses enfants dans le rêve.