Sonia
Emmanuel
Portraits d’identité
Il y a la première image, en haut à gauche : c’est la photographie prise du sujet, recadrée autour de son visage. Tout le monde voit cette personne comme ça, dans ce sens-là.
Ce n’est pas le cas de l’image en haut à droite : c’est son visage tel qu’elle le voit chaque matin dans le miroir.
Ces deux portraits pourraient être semblables si l’être humain était parfaitement symétrique. Il ne l’est pas. Notre côté droit du visage n’est pas identique au côté gauche.
Prenons maintenant le visage en bas à gauche. C’est le visage qui rassemble le côté droit de son visage et son double inversé. À côté, résultat de la même technique de collage, voici l’hémi-visage gauche dédoublé. Ce procédé de reconstitution symétrique d’un visage n’est pas nouveau, je n’invente rien. Dès 1930, Pierre Abraham présente une série de portraits ainsi reconstitués au cours du 4ème congrès de l’Institut International d’Anthropologie.
J’ai voulu connaître les différents visages de mes amis, de ma famille et les miens aussi. À chaque fois, au moment où les 2 moitiés de visages se rejoignaient, je voyais apparaître une personne nouvelle, vivante, que je ne connaissais pas, et j’en étais époustouflée. J’ai voulu continuer avec mes collègues, des connaissances, plusieurs journalistes des Inrocks (j’avais pensé leur proposer mes services pour faire le portrait des personnalités interviewées par eux, mais ça ne s’est pas fait). En tout, j’ai réalisé une soixantaine de Portraits d’identité.
Je me suis découverte « folle » et « américaine ». Voir ici. J’ai vu ces autres « sportive et madone », « sorcière et péruvienne », « benêt et beau »…
J’ai réalisé ces images en 2008. D’autres photographes ont également joué avec ces portraits chimériques. Certains donnent à voir uniquement les deux visages recomposés et beaucoup les présentent en triptyque incluant le portrait initial. C’est peut-être cette place que je donne à égalité aux 4 visages (y compris celui que l’on rencontre chaque matin dans le miroir) qui distingue mon travail des autres. Sans parler de ces nouveaux portraits, de ces personnes photographiées qui livrent dans ces images plus qu’elles ne pensaient donner à voir.