Phanie et mon pied
Sous-vêtement
La photographie a été mon premier outil de création.
J’ai commencé la photographie à 18 ans. Elle fut mon moyen de grandir, de prendre du recul, de rencontrer le monde. Le labo photo de la MJC de mon quartier était vacant depuis plusieurs années, il devint ma précieuse chambre noire, celle où je m’isolais de longs après-midis, où je commençais à choisir le cadrage, la densité, le ton de la réalité qui m’allait le mieux.
J’ai eu la chance de pouvoir travailler dès leur lancement, ou presque, avec la Griffe et le Zef, deux journaux culturels gratuits de Rennes. Pour eux, j’ai fait le portrait de nombreux chanteurs (avant d’assister à leur concert). J’ai couvert, avec d’autres photographes, le festival des Transmusicales en 1995, pour lequel paraissait chaque jour une édition spéciale. Ces 3 soirs de concerts, de rencontres, et de travail nocturne en labo, furent très heureux.
En parallèle, j’ai commencé la fac d’Arts Plastiques où la photographie prenait autant de place qu’elle le pouvait.
Ma petite sœur était mon cobaye dévolu. Elle est l’étrange silhouette d’in litus (autrement appelée série sous-vêtements). Mon pied posé sur sa joue a été choisi pour la pochette du disque Le retour à la lune du groupe Les autres.
Je ne montre pas beaucoup de photographies ici : la plupart étaient des portraits de gens pris dans les rues de Rennes et je n’ai pas leur autorisation. Je les « capturais » aux heures de grands passages, sur le marché des Lys, le samedi matin, ou les soirs de fête de la musique. Ou encore à la fête foraine. C’est là qu’a été figée « la famille aveugle » : la petite fille tient la main de sa mère et de sa grande sœur qui ont toutes les deux les yeux fermés, à ce moment précis. J’ai obtenu, avec cette image, le contraire de ce que je cherchais : faire tomber les regards directement au fond de l’objectif. Je voulais que les gens me regardent. Je cherchais ce point de passage dans l’image entre nos deux corps. Comme je l’aime beaucoup, je la montre quand même, avec cette autre image tirée de la série « Vue de ma fenêtre ». C’était le thème de la 3ème et dernière étape du concours de l’Ecole Louis Lumière. Un soir de fête de la musique, je retirai la fenêtre de notre cuisine et la posai sur un tréteau dans les rues du centre ville. C’est Christine, ma sœur, qui la maintenait droite pendant que je photographiais.
Je n’ai pas eu le concours. Et n’en ai pas de regret.
Aujourd’hui, je n’aime plus le noir et blanc. Je l’avais certes utilisé parce que je pouvais le développer seule, mais aujourd’hui, je n’aime plus le noir et blanc. Je le trouve maniéré. Je ne suis pas dans la nostalgie.